Marie-Pierre Dieterlé
Je suis née au Cameroun de parents franco-suisse-allemands. Mon histoire familiale en lien avec l’Afrique m’a profondément marquée et je débute la photographie en retournant sur mon lieu de naissance grâce à une bourse Défi-Jeune. Mon travail personnel est traversé par les questions de l’exclusion, de la différence et des difficultés qui en découlent pour trouver sa place. Mon regard vise toujours à valoriser la richesse et l’humanité individuelle plutôt que d’enfermer les sujets dans leur conditions sociales.
En 2002 à Paris, suite à un deuil marquant une rupture dans ma vie, je suis allée à la rencontre de femmes sans domicile car je voulais comprendre leurs histoires et ce dont elles avaient besoin pour se reconstruire. Ce travail au long cours, reposant sur la confiance des femmes photographiées, a donné lieu à mon premier livre C’est quand demain ? paru en 2011 aux Éditions Trans Photographic Press. En 2013, je participe à l’ouvrage du collectif Babel Photo Périphérique, terre promise aux Éditions h’Artpon pour les 40 ans du Périph parisien. En 2014, je suis sélectionnée à l’atelier documentaire de la Fémis pour un projet de film au Cameroun autour de mon histoire familiale. Depuis fin 2017, je retrace les derniers instants de la cité Gagarine en cours de démolition à Ivry-sur-Seine. Ce travail est actuellement en projet d’édition.
Mes photographies sont régulièrement exposées et remarquées : 1er prix Agfa, prix Ilford, 1er prix palmarès de la presse professionnelle, dotation Kodak, Festival international du scoop et du journalisme d’Angers, coup de cœur bourse du talent reportage, prix la banlieue au féminin, prix du diaporama sonore…
C’est quand demain ?
Les femmes que j’ai photographiées sont sans domicile. Certaines depuis des années, d’autres le temps de retrouver un logement. Toutes circulent de centres d’hébergements en hôtel avec parfois
des passages à la rue. Toutes sont là suite à une cassure dans leur vie qui en rappellent des précédentes. Pendant trois ans à Paris et en région parisienne, je les ai rencontrées pour tenter de comprendre leurs parcours. Elles ont accepté d’être photographiées. J’ai suivi chacune d’elles
pendant plusieurs mois, à pas de loup, captant des regards, une situation, à travers mon objectif. Je les voulais à leur image : dignes. Ni voyeurisme, ni victimisation. Simplement, au fil des jours, j’ai photographié leur profonde solitude et leur attente d’un jour meilleur. Ces images retracent des instants de vie avec ce qui permet de garder espoir : les enfants, un compagnon de galère, l’amitié, un sourire, un poème…La plupart d’entre elles ont retrouvé un logement, d’autres attendent encore.
Comme Christine qui, un jour, m’a demandé : « C’est quand demain ? ».